Être assertif, c’est être authentique

L’utilité de la Synergologie, outre l’étude du langage corporel, est de mieux comprendre les rapports humains. Fort de ce constat, le synergologue sait qu’il n’est pas qu’observateur, mais aussi acteur de la communication : il reconnait les écueils dans une interaction et sait agir pour améliorer la relation dans un but authentique. C’est là qu’entre en jeu l’assertivité : il s’agit de défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres. En bref, s’affirmer et laisser l’autre faire de même. Être assertif, c’est être authentique ?

 

 

Voici une question fort pertinente que j’ai reçu par mail d’un lecteur :

Vous dites que le synergologue n’est pas comportementaliste. Pourtant, vous parlez souvent de « ramener » son interlocuteur dans une relation authentique quand le rapport est déséquilibré. Ce n’est pas une dérive comportementaliste ? De même, en quoi être assertif est l’expression d’un « vrai soi » ?

Je vais donc expliquer en quoi être assertif, c’est être authentique.

 

Nous sommes des êtres empathiques et économes

Nous avons la capacité innée de comprendre les émotions de nos interlocuteurs, par l’intermédiaire de nos neurones miroirs. La tragédie que vit un japonais de l’autre coté de la planète nous émeut tout autant que celle de nos voisins, même sans comprendre la langue : nous reproduisons dans notre cerveau les gestes que nous observons et nous ressentons ainsi les mêmes émotions. C’est un avantage indéniable dans la construction aussi bien sociale que rationnelle. C’est l’émotion qui nous permet de prendre les décisions justes, de peser le pour ou le contre, bref, d’être humain. Comprendre l’émotion de l’autre, c’est le comprendre, compatir, être avec lui. C’est aussi là l’importance de lire le langage corporel en tant qu’outil de rapprochement (médiation, conseil, thérapie, …) plutôt qu’en outil d’exclusion (catégorisation, manipulation,…)

Je parle aussi « d’économie ». Une expérience va illustrer mes propos :

On a demandé à des volontaires de se présenter de deux manières différentes : l’une très positive face à des proches, et l’autre plus modeste face à des inconnus, ce qui est l’inverse de ce que l’on observe habituellement. Suite à cela, on leur demandait de faire des multiplications complexes. Résultats : les volontaires avaient toutes les peines du monde à effectuer ces calculs. L’effort de contrôle sur soi perturbait la concentration.

Être soi-même est donc écologique, et même si cela parait difficile au premier abord, c’est payant sur le long terme, aussi bien pour sa vie sociale que pour sa santé.

 

L’espace réflexif

En Synergologie, nous utilisons le terme réflexif pour définir un espace où l’échange entre deux interlocuteurs est transparent et authentique, où les gestes sont fluides. On définit l’espace réflexif en 5 points :

• Les acteurs cherchent à optimiser le partage d’information et la qualité de ce partage

• Les acteurs ne se jugent pas

• Les acteurs s’autorisent à penser différemment les uns des autres

• Les acteurs acceptent d’avoir tort

• En cas de désaccord, les acteurs savent que leur attitude n’aura pas d’incidence sur la qualité de l’échange.

 

Sans le savoir, nous utilisons tous naturellement et souvent l’espace réflexif dans nos interactions, notamment quand nous rencontrons un nouvel interlocuteur :

• On cherche à connaitre l’autre, mais aussi à se présenter (« Ah, tu travailles dans le commerce ? C’est marrant, moi aussi ! »)

• On ne juge pas l’autre vu qu’on ne le connait pas (« Elle travaille sûrement dans ce secteur pour une bonne raison »)

• On accepte plus facilement le point de vue de l’autre, tout en exprimant le sien (« Ah bon, tu penses cela ? Moi c’est l’inverse par contre ! »)

• On admet plus facilement nos torts (« Tu es sûr de toi? Tu as peut-être raison, je n’ai pas non plus creusé le sujet »)

Dans ce cas là, on parle d’illusion raisonnable : chacun des acteurs acceptent inconsciemment de croire que l’autre est son égal et qu’il n’y a de hiérarchie dans l’échange. Une illusion qui sera brisée quand l’un des acteurs cherchera à se placer soit au dessus de la personne (conquérante), en dessous (syntonique) ou bien à l’extérieur de l’interaction (vigilante), ce qui sera visible corporellement pour qui sait observer. Être assertif, c’est permettre que l’illusion raisonnable devienne une réalité réflexive sur le long terme.

 

Être assertif, une compétence sociale

On peut penser qu’être soi, c’est être la personne que l’on est tout les jours. J’en parlais dans un précédent article, mais nous portons à un moment ou un autre des masques, que ce soit pour nous prémunir ou pour prémunir l’autre. Dans tout les cas, c’est la peur qui est le frein qui nous empêche de nous exprimer de façon authentique.

Au cours d’un atelier alors que j’expliquais le concept d’assertivité, un participant fit cette remarque :

« Avouez que l’assertivité, ce n’est pas possible dans toutes les situations. Si mon patron me fait des reproches, je me vois mal lui dire ce que j’en pense ! »

Ce fut l’occasion d’en faire un jeu de rôle et de mettre le principe en pratique. Comme vous le savez maintenant si vous êtes un fidèle du blog, le fond du message est tout aussi important que la forme.

• Si vous dites la vérité brute, sans considération, vous n’êtes pas vous-même : vous ne pensez pas à l’impact que cela à sur l’autre, vous n’êtes pas empathique.

• Si vous cachez la vérité pour ne pas blesser ou créer de conflit, vous n’êtes pas vous-même non plus : vous ne vous affirmez pas (avec les risques que j’évoquais sur le fait d‘exprimer des émotions qui ne sont pas les nôtres).

Être assertif est donc une compétence sociale, que l’on croit impossible à apprendre et non-spontané. Erreur. Ce qui n’est pas spontané, c’est ce qui est en train d’être appris. La caractéristique d’un apprentissage réussi, c’est la spontanéité. Oui, vous pouvez dire ce que vous pensez à votre patron, mais de la bonne manière !

Quand je travaille l’authenticité avec des clients, j’aime faire cet exercice : aller dans un magasin où les vendeurs ou vendeuses ne sont pas forcément souriants (il y en a de plus en plus, et ce n’est pas leur faute). Je donne alors cet objectif : arriver à faire sourire sincèrement, à créer une belle interaction avec un des ces vendeurs.

Dans la plupart des cas, c’est un échec : ils cherchent à dire des choses sans intérêt, ne prêtent pas attention à l’autre, bref, ne communiquent pas. Quand je leur demande ensuite de se mettre à la place de la personne, d’écouter leur empathie, de mieux comprendre l’attitude par l’observation et l’introspection, l’écoute active fait son apparition : les masques tombent et les vrais sourires sont plus nombreux.

Alors, prêt à tomber les masques ?

NB: pour les plus joueurs d’entres vous, un petit test, à prendre juste pour le coté ludique, sur votre niveau d’authenticité.

Références :

Turchet P., Préalables épistémologiques à une théorie générale de la relation individuelle, La revue de Synergologie n°2, 2010

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