Le mime Marceau s’est rendu célèbre par la seule expression de son langage corporel.
Peut-on décrypter le langage corporel d’un acteur ou un comédien dans son personnage ? Quand on sait que selon Jean-Paul Sartre « La sculpture représente la forme du corps, le théâtre représente l’acte de ce corps », on pourrait croire que l’on verrait des signes de manque d’authenticité, voir même de mensonges. Or, ce n’est pas le cas… en tout cas pour les bons comédiens !
La gestion du corps en comédie
Tout d’abord, qu’est ce qui fait que l’on peut voir qu’une personne, peu à l’aise en comédie, est dans un « rôle » (sans entrer dans la question du menteur, qui sera le sujet d’un prochain article) ? C’est cet écart entre le langage corporel et le discours. C’est un certain manque d’aisance, voir ce que certaines personnes du milieu appelle un « mauvais jeu ».
Un comédien débutant doit apprendre un texte, et s’imaginer l’émotion ou l’intonation que doit avoir son personnage. D’une certaine manière, il mime grossièrement l’intention du personnage en essayant d’atteindre une certaine congruence. C’est à ces hésitations que l’on peut reconnaitre le débutant.
A contrario, certains comédiens vont dans l’exagération émotionnelle, comme ça peut être le cas pour les mimes, les clowns. Ici, le langage corporel y est exagéré pour, d’une part, la caricature du personnage qu’ils incarnent, et en second lieu pour créer l’adhésion émotionnelle : le discours est relegué au second plan (quand il n’est pas carrément oublié). Il n’y a qu’à voir par exemple le personnage campé par Rowan Atkinson, « Mr Bean », pour voir un parfait exemple d’exagération, mais qui reste néanmoins efficace.
Mais comment les comédiens arrivent-ils à nous bluffer, à nous faire dire « quel bon acteur ! » ?
Les techniques de comédiens
D’une part, ils possèdent une bonne connaissance de leur corps. Ils travaillent énormément avec leur image, se filment, s’observent et finissent par obtenir une certaine décomplexion. Ou du moins, leur personnage possède cette décomplexion. Ainsi, par un travail de proprioception, l’interprète comprend mieux comment son corps interagit avec son esprit (la proprioception, c’est produire un geste ou une attitude corporel pour voir quel émotion ou ressenti se dégage). Une bonne connaissance du corps qui s’accompagne d’une bonne connaissance des émotions.
Le travail sur les émotions, les comédiens connaissent bien : ils savent que le meilleur moyen de jouer une émotion, c’est de se l’approprier, de la faire « monter ». Ainsi l’émotion de tristesse que devra jouer l’acteur sera issu d’une vraie émotion, que l’acteur ira chercher dans son vécu ou par le travail qu’il a accompli durant sa préparation et ses répétitions.
La congruence sera donc observable par l’expression externe et par le ressenti interne, ce qui, pour nous spectateurs, se traduit par une réaction empathique, à savoir le partage de la tristesse du personnage. Nous pouvons ressentir ce qu’il ressent, nous le comprenons car il se montre bon acteur : il est humain. Ainsi même l’interprète ne contrôle pas sa gestuelle, elle lui vient, naturellement, résultante de son émotion.
Les limites de l’interprétation ?
« Donc, me direz-vous, un bon comédien peut mentir sans qu’on puisse s’en rendre compte ?« . Pas vraiment.
Quelquefois, quand je regarde une série policière, je me fais la remarque : « Tiens, c’est lui le coupable ». Pas à cause du fait que le personnage soit joué par un mauvais acteur, bien au contraire : l’acteur joue tellement bien son personnage de « menteur » qu’il a lui même des réactions de… menteur ! Il a fait sienne les émotions et les réactions du personnage, il est « authentique » dans son rôle.
Cela reste néanmoins un vrai métier, que je comparais d’une certaine manière aux art martiaux : de la pratique, de la rigueur (certains interprètes font d’énormes recherches pour leurs personnages), et une capacité à utiliser son art de façon intuitive. Il n’est pas rare de voir des comédiens exceller dans l’art de l’improvisation.
Et si un menteur joue la comédie ? Cela reste un menteur avant tout, qui restera dans son rôle de personne manquant d’authenticité.
Si vous aimez le théâtre :
Si ce thème vous intéresse en tant que comédien, ou bien même spectateur, sachez que je co-animerait le 21 octobre 2012 un stage sur le thème « Corps et intentions » avec Clémence Mercier, comédienne et metteur en scène. Je parlerai du langage corporel entre des cas concrets de mise en situation scénique, un excellent moment pour mieux comprendre son corps. Les inscriptions sont ouvertes, mais les places limitées !
D’autre part, Clémence Mercier met en ce moment en scène une pièce écrite par elle-même, « Le temps des copains », que je vous conseille vivement (je l’ai vu, j’ai passé un excellent moment). Vous trouverez des détails sur cette pièce ici, ici et bien là.