Beaucoup d’entre nous se croient capables, à tort ou à raison, de pouvoir juger quelqu’un du premier regard. Notre façon de communiquer constitue une base relationnelle, base qui dépend totalement de nos perceptions, et des réflexions que nous faisons de ces perceptions. Que cela soit de manière instinctive (« j’ai tendance à bien percevoir les gens ») ou consciente (« je décrypte le langage corporel »), ne considérons-nous pas notre capacité à nous fier à notre première impression de manière trop importante ? D’ailleurs, quelle est l’importance de la première impression dans notre façon d’appréhender nos nouveaux interlocuteurs ? Quel est le fonctionnement de ces fameuses premières impressions ?
La première impression, une affaire d’instinct ?
Pendant longtemps, je me suis cru très instinctif, ce fut l’une des raisons de mon attrait pour la communication non-verbale : améliorer ce que je pensais être un don. En fait, mon cerveau ne faisait qu’interpréter un contexte en fonction de son expérience vécue.
C’est ce que montre en tout cas certaines expériences en neurosciences. Le neuroscientifique Moshe Bar a par exemple montré que nous jugions de la même façon un visage que nous voyons brièvement (de l’ordre de 39 millisecondes) et un visage que nous voyons plus longtemps. Notre capacité de porter un jugement est donc très rapide et inconscient. De plus, notre expérience d’une personne nous pousse à faire souvent des associations plus ou moins fortuites.
Ainsi, une expérience du psychologue Alexander Todorov montre que quand nous associons une impression positive ou négative à un visage (comme par exemple en présentant un visage neutre avec une phrase positive ou négative), nous avons tendance à reproduire ce même jugement face à un visage comprenant certaines similitudes. En résumé, nous jugeons en fonction des ressemblances des personnes que l’on a déjà rencontré.
C’est là que l’on peut quitter les neurosciences pour aller à la rencontre de la psychologie sociale et du phénomène de catégorisation sociale : notre première impression dépend-elle aussi de nos préjugés ?
Ainsi, l’une des premières pensées inconscientes que l’on a est : « mon interlocuteur fait-il partie de mon groupe (endogroupe) ou non (exogroupe) ? »
Trois facteurs qui déterminent notre catégorisation :
Peut-on déduire alors alors que la première impression est affaire d’instinct ? Oui, si on considère l’instinct comme une expression inconsciente de notre jugement, réflexion et expérience.
La force du contexte dans une première impression
Dans une étude de Macrae, Bodenhausen et Milne de 1995, on présentait à des personnes une femme asiatique avec des baguettes à la main, en leur demandant le stéréotype que cela leur évoquait. Bien évidemment, le stéréotype « chinois » venait en premier. Mais si on présente cette même femme en train de se maquiller, c’est le stéréotype « féminin » qui arrive. De même, le contexte de l’observateur joue beaucoup : il a été observé que l’on pensait le stéréotype du « noir » plus dangereux quand on se trouve dans une pièce plus sombre, de même lorsque l’on se trouve dans une émotion négative (Schaller, Park et Mueller, 2003 – Ric, 2004).
Un effet de cinéma explique aussi l’impact du contexte sur une première impression : l’effet Koulechov.
Ce biais cognitive mise en évidence par le réalisateur russe Lev Koulechov montre qu’un plan précédant un autre a un impact sur notre compréhension : on demandait à des observateurs de décrire l’émotion du personnage juste après chaque plan. Dans le premier cas, on disait que le personnage était affamé. Dans le second, qu’il était triste. Et enfin dans le dernier, qu’il était désireux. Hors, vous vous en doutez : c’est exactement la même expression neutre dans chaque cas.
Alors attention : l’effet Koulechov est un effet propre étudié au cinéma, je ne dis pas que c’est la même chose au niveau relationnel. Mais vous avez compris l’idée !
Peut-on se fier à notre première impression ?
Forcément, quand on nous explique l’impact d’une première impression (« la première impression est souvent la bonne », « on ne peut pas rattraper une mauvaise première impression »), certains cherchent à mieux contrôler ou apprendre de ce phénomène. Outres les faux conseils en ce qui concerne l’entretien d’embauche ou les rendez-vous amoureux, on a cherché pendant un temps à expliquer en quoi le caractère pouvait se lire dans les visages : la morphopsychologie par exemple. Hors il n’y a encore aucune preuve scientifique prouvant le lien entre trait du visage et trait de personnalité. Il n’y a qu’un pas qui nous renvoie aussi à des heures sombres de notre histoire où l’on pensait catégoriser races supérieurs et races inférieurs grâce aux caractéristiques physiques. Le délit de sales gueules et de sales gestes est très facile quand on n’y prend pas garde !
Donc globalement, non, notre première impression peut se révéler fausse, notamment quand on a la fâcheuse habitude de voir le mal partout. En effet, nous créons notre avis à partir de notre expérience, mais aussi de nos émotions. Sur les aires cérébrale qui entrent en jeu, il est à noter que celles impliquées dans les émotions comme l’amygdale et l’insula ont un rôle important. Ainsi, nous sommes influencés par les émotions négatives ou positives que nous percevons au premier abord et nous créons un phénomène de sur-généralisation.
Dans notre cas présent, la sur-généralisation conduit à coller une compétence en fonction des traits du visage. Un visage enfantin sera jugé moins compétent qu’un visage plus mûr. J’en ai fait les frais : paraître plus jeune que son âge peut, dans certaines situations professionnelles, vous faire défaut dans la création d’une première impression. Ce phénomène peut conduire à beaucoup de raccourcis plus ou moins conscients : la généralisation de son attitude vis à vis d’une événement ou d’une catégorie à cause du comportement d’un seul individu (exemple : « j’ai donné de l’argent à un mendiant, il s’est acheté de l’alcool. Je ne donnerai plus jamais d’argent aux mendiants car ce sont tous des ivrognes »)
Que faire alors ?
A croire mon article, on peut penser que la première impression se révèle souvent inexacte. Oui et non, elle se révèle surtout apte à faire des raccourcis souvent négatifs ou péjoratifs envers nos interlocuteurs. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se fier à ses premières impressions, je dis qu’il faut réfléchir au « pourquoi » d’une mauvaise première impression : est-ce vraiment la faute de notre interlocuteur ou bien notre propre interprétation ? Un élément à ne pas négliger quand on travaille avec de l’humain et que l’on souhaite créer les meilleures relations possibles.
Quelques étapes pour maximiser ses chances de ne pas se tromper :
Bonus : Pierrick de la chaîne Psynect nous parle de la première impression et propose une expérimentation
Sources :
Georges N., Gamond L., Premières impressions, in L’Essentiel Cerveau & Psycho, n°7, août-octobre 2001.