La peur est une émotion que l’on retrouve, avec la colère, dans toutes les listes d’émotions primaires faites par les chercheurs contemporains comme Izard (1977), Plutchik (1980), Kemper (1981) et Ekman (1992). D’un point de vue non-verbal, il s’agit d’une émotion facilement identifiable, même si l’on peut la confondre avec la surprise, et que l’on retrouve dans toutes les cultures, y compris les animaux. A quoi nous sert la peur ? Dans un premier temps à fuir, un réflexe de survie que l’on retrouve même chez les paramécies…
La peur, un réflexe de survie
Ainsi, on a pu constater que la paramécie, cet organisme unicellulaire pourtant dépourvu de système nerveux, pouvait montrer des réflexes de défense et de fuite face à un prédateur ou à un milieu défavorable. Sans pour autant ressentir la peur comme nous l’entendons, la cellule a cependant répondu aux stimulis extérieurs par des réflexes de survie.
On sait que, chez les vertébrés, la peur part de l’amygdale : cette zone du cerveau est en quelque sorte une zone de triage, qui reçoit les informations extérieures, issue de nos perceptions sensorielles, et qui évalue la réponse émotionnelle.
Joseph Ledoux a montré par analogie (que l’on appelle “le serpent de Ledoux”) comment fonctionne la réaction aux stimulis de peur :
Un promeneur croise au cours d’une randonnée ce qu’il pense être un serpent. Il va être immédiatement sujet à la peur, car l’information sensorielle sera dans un premier temps passé par le thalamus et l’amygdale, pour donner la réaction que l’on connait. Cependant, après un court moment, l’information peut prendre un chemin plus long et avant de passer par l’amygdale, se rendre dans le cortex cérébral. S’il s’agit effectivement d’un serpent, l’amydgale va “confirmer” l’émotion, et provoquer la plupart du temps une réaction de fuite. S’il s’agit d’un morceau de bois, l’amygdale va calmer les réactions émotionnelles et corporelles.
Les réactions physiologiques
La peur provoque plusieurs réactions corporelles : accélération du rythme cardiaque, augmentation de la pression artérielle, et bien entendu des réactions non-verbales, comme montrées dans les vidéos ci-dessous, et finalement des réactions de fuites, ou d’immobilisation.
Les fameux « gags » nous offrent des réactions authentiques de peur.
Lorsque nous observons des réactions de peur, même de façon subliminale, notre amygdale est activée. Pourtant, quand nous nous remémorons des épisodes où l’on a pu ressentir de la peur, notre amygdale ne s’active pas.
Les recherches en psychologie de la peur
Pour confirmer le rôle de l’amygdale, plusieurs scientifiques se sont livrés à des observations. Il a été remarqué pour des maladies comme le syndrome de Klüver-Bucy chez le singe, qui se caractérise par une lésion de l’amygdale, que les réponses émotionnelles ne correspondaient pas à ce dont on devait s’attendre.
Ainsi, chez le singe atteint de ce syndrome, celui-ci ne montrera aucune peur, mais sera victimes de troubles émotionnels.
Une femme américaine, atteinte de la maladie d’Urbach-Wiethe, possède une particularité dans sa maladie : des calcifications sont apparues au niveau de son amygdale. Ses symptômes ? Elle ne connaît pas la peur.
Elle ne montre aucune appréhension devant les serpents ou les araignées, elle a même souhaité toucher les spécimens les plus dangereux. Pourtant son état n’est pas enviable, car elle est dépouillé de son instinct de survie : vivant dans un quartier dangereux, elle ne perçoit pas les situations à risques dans lesquelles elle peut se mettre.
La peur de l’étouffement
Cependant, les scientifiques sont parvenus à lui faire ressentir de la peur. Une vraie peur panique, en lui faisant simplement respirer… du CO2. Le gaz carbonique, respiré en trop grande quantité, peut provoquer la suffocation. Et c’est par peur de s’asphyxier que cette américaine a eu les réactions « normales » de panique, de volonté de survivre.
Cette expérience de l’asphyxie est bien connu grâce à Adam Ziemann, car lui et son équipe se sont rendus compte que l’amygdale réagit au pH du sang (le CO2 provoque une acidité du sang), et qu’elle envoie des signaux d’alarme dans ces cas précis. On peut expliquer ainsi l’une des premières réactions face à la peur : une brusque inspiration.
Cependant, ces deux dernières expériences laissent une question en suspend : si l’amygdale fait office de centre de traitement des informations, pourquoi la suffocation provoque-t-elle une réaction de peur si ce même centre est inopérant ? Là-dessus, la recherche planche encore…